
Le Kumano Kodo, les Alpes et le Mont Fuji : un Japon à vivre à pied
Un itinéraire pour marcher autrement, dans un Japon où chaque pas a du sens. Et si, pour comprendre un peu mieux le Japon, il fallait d’abord le marcher ?
Pas celui des néons ni des grandes gares, mais celui des sentiers escarpés, des montagnes sacrées, des refuges de bois où l’on partage la soupe miso au retour d’une longue journée. C’est ce Japon-là que François-Xavier a voulu transmettre. Celui qu’il a appris à aimer dans un petit village du nord, entre cuisine québéco-japonaise et longues randonnées dans les Alpes. Un itinéraire pensé comme une traversée : spirituelle sur le Kumano Kodo, physique dans les Alpes, sacrée sur les pentes du mont Fuji.
Pourquoi avoir voulu développer ce voyage au Japon ? Et d’où vient ton attachement personnel à ce pays ?
François-Xavier : Tout a commencé par une opportunité de travail assez improbable. On m’a proposé de développer un petit restaurant de cuisine fusion japonaise-québécoise dans un village nommé Iwaki, au nord-ouest de l’île d’Honshu, pas très loin d’Akita. Ce village entretenait un lien culturel avec la ville de Gaspé, au Québec. J’y ai vécu plusieurs mois, à découvrir cette culture magnifique, mais pleine de contradictions. Et même si l’accueil des étrangers restait… « réservé », cette expérience m’a profondément marqué. Chaque congé, je partais marcher dans les montagnes. Le Japon, avec ses 70 % de territoire montagneux, est un terrain de jeu incroyable pour les randonneurs.
C’est cette expérience qui a inspiré la création d’un voyage au Japon ?
François-Xavier : Oui, exactement! Cette première expérience sur le terrain a rapidement mené à une idée de trek. Avec un ami guide de montagne installée au Japon, on a commencé à échanger des idées, jusqu’à créer un itinéraire construit autour de l’itinérance en refuge dans les Alpes japonaises. Ce système de refuges, importé d’Europe, est bien implanté au Japon, et pour des Nord-Américains, c’est assez rare d’avoir cette possibilité. Il y avait aussi une dimension spirituelle que je tenais à intégrer. D’où l’inclusion du Kumano Kodo, un pèlerinage ancestral, puis le mont Fuji, pour clôturer le voyage avec une touche plus intense, autant physique que symbolique.
Justement, peux-tu nous en dire plus sur le Kumano Kodo ?
François-Xavier : C’est un réseau de sentiers de pèlerinage dans la péninsule de Kii, berceau du bouddhisme au Japon dès le VIIe siècle. C’est aussi là que s’est développé le shintoïsme, cette forme japonaise du bouddhisme. Les anciens chemins reliaient les grandes villes comme Kyoto et Edo (l’ancien Tokyo) à travers cette région montagneuse, en passant par des sites spirituels. On a choisi un itinéraire qui relie trois temples importants, pour offrir une immersion historique et sacrée. C’est un segment fort du voyage, tout en étant accessible.
Et le mont Fuji, comment l’intègre-t-on au parcours ?
François-Xavier : Le Fuji, c’est le sommet spirituel du Japon. J’y suis monté pour la première fois à la fin de mon séjour à Iwaki. On l’avait fait en plein été… et on était littéralement des milliers sur les sentiers. Un choc. Trop de monde, une ambiance de kermesse… mais malgré ça, j’ai senti à quel point cette montagne compte pour les Japonais. C’est une ascension importante, symbolique. Donc on a décidé de la proposer, mais hors saison. À partir de la mi-septembre, quand les refuges et les kiosques de nourriture ferment sur la montagne, les Japonais n’y vont plus. La montagne est donc considérée fermée pour la grande majorité d’entre eux. Officiellement, rien n’est interdit pour les randonneurs qui veulent s’y aventurer, mais tous les bâtiments ne seront pas ouverts, ce qui pour nous n’est qu’un avantage pour l’expérience vécue.
On y monte en deux jours, avec une nuit en refuge tenue par M. Sato, un montagnard passionné qui garde sa cabane ouverte pour nous. On part de nuit pour arriver en haut en avant-midi, faire le tour du cratère, profiter de la vue — c’est spectaculaire quand c’est dégagé. Pas de lever de soleil à la frontale, on préfère dormir un peu plus maintenant !
Quel est le niveau de difficulté global de ce voyage de randonnée au Japon ?
François-Xavier : C’est ce qu’on pourrait appeler un niveau 2+, si on devait affiner l’échelle. Le Kumano Kodo est relativement accessible : de longues distances, mais peu de dénivelé. La difficulté, c’est surtout la chaleur, puisqu’on y est en septembre ou début octobre et que c’est au sud. Les Alpes japonaises, elles, sont plus exigeantes. On y marche quatre jours en itinérance, avec du portage (8 à 10 kg environ), sur des terrains escarpés. Il n’y a pas eu de glaciation dans ces montagnes, donc les reliefs sont plus accidentés, plus « bruts ». Parfois, l’exposition peut provoquer un certain appel du vide. Rien de dangereux, mais il faut en être conscient.
Un mot de la logistique sur cette portion dans Alpes Japonaises ?
François-Xavier : On avance de refuge en refuge, en autonomie. Avec les Japonais qui sont de grandes adeptes de la marche en montagne. Trois nuits, quatre jours de marche. C’est ce qui donne sa richesse au voyage : cette variété entre spiritualité, environnement montagnard et intensité. Et cette progression qui mène, lentement mais sûrement, vers le Fuji, point culminant du voyage.







